Dossier
Postprogressisme et décadence : deux visages de notre époque
Jorge Zepeda
IDEAS ALTERNATIVAS 1 - OCTUBRE-DICIEMBRE 2025
L’époque qui est la notre a été caracterisée depuis des décennies comme une époque postmoderne ou postprogressiste, où les grands récits autour de l’emancipation de l’homme se sont effondrés. Parallèlement, l’hantise de la décadence semble revenir pour s’installer durablement dans les esprits, en nous amenant à réflechir aux nouveaux défis posés par la globalisation et les transformations au sein de la société.
Considérations initiales
Depuis la seconde moitié du XVIIIe siècle, l’idée de progrès a été chère aux Occidentaux : la croyance qu’on peut améliorer la condition humaine dans tous ses domains, du matérial au moral, en passant par la santé, l’éducation ou l’économie. Cette croyance semble se vérifier dans les faits au XIXe siècle avec la Révolution industrielle et la croissance économique, même si en ce siècle-là on vit les niveaux d’exploitation économique les plus hauts dans l’histoire récente de l’Occident. Ainsi, au XXe siècle, après les expériences des deux guerres mondiales, des systèmes totalitaires, de l’effondrement des grands récits d’emancipation de la Modernité —pour ne pas parler du christianisme—, l’idée de progrès est déjà en recul. Ainsi, nous sommes entrés dans une époque postprogressite où l’on accuse le progrès et l’Occident en général des fautes commises au cours des deux siècles et demi derniers au nom du progrès, dès le colonialisme jusqu’au racisme systèmique contre les minorités, en passant par la catastrophe écologique, ce qui, en trouvant dans l’écologisme sa manifestation la plus notoire, est devenu l’élément central de la critique de l’âge progressiste. L’effondrement de la croyance au progrès et de l’universalisme issu des Lumières européennes laisse le lieu au rétour de la décadence, ou, de façon équivalente, à la conscience que le monde qui existait jusque dans les anées 1980 est déjà disparu.
Progrès classique dès le XVIIe siècle 1
L’idée moderne du progrès apparaisa pour l’essentiel à la fin du XVIIe siècle et connut son apogée au XVIIIe et XIXe siècles. En pénétrant dans la pensée historique et plus largement la philosophie de l’histoire, l’apparition de l’idée de progrès constitue une rupture décisive avec les conceptions de l’histoire communes au XVIe et XVIIe siècles ; cettes dernières étaient d’un côté la vision théologique du monde et de l’autre le modèle historique cyclique, composé d’étapes qui allaient dès débuts primitifs à une ascention, puis à un apogée, ensuite à une décadence et finalement à un fin nécessaire. Ce modèle ciclyque soutenait depuis la Renaissance la division de l’histoire universelle en Antiquité, Moyen Âge et époque moderne. Les humanistes des XVIe et XVIIe siècles, méprisant les ténébres du Moyen Âge, rédécouvraient l’Antiquité et parvennaient à un sentiment de supériorité envers les siècles antérieurs. En interprétant de façon cyclique l’histoire aussi longtemps que l’on peut considérer les Anciens comme un élément d’ascension les choses vont bien, mais au moment où l’on croît être dans un point d’égalité, voire de supériorité par rapport à l’Antiquité, on parvient à la question fondamentale, qui est le fond de la fameuse querelle des Anciens et des Modernes : qu’est-ce que l’avenir va-t-il apporter, la décadence une fois de plus ou des progrès additionels ?
On est donc devant l’une des ruptures fondamentales dans l’esprit de la Modernité face aux conceptions qui reignaient au XVIIe siècle : les temps modernes ont en quelque sort dépasé l’Antiquité et ont ouvert, pas seulement une nouvelle ère, mais une nouvelle conception de l’histoire toujours en ascendant, où le développement de l’humanité est censé accumuler l’héritage des esprits des siècles précédents. Cette dernière est la thèse de Fontenelle, qui est considéré comme l’auteur de la théorie moderne du progrès : l’humanité marche vers l’avant —bref, elle progresse—, de manière ininterrompue ou au moins globalement ascendant.
La théorie de Fontenelle répose pour l’essentiel sur l’increment des connaissances. C’est pourtant plus tard, avec Turgot au milieu du XVIIIe siècle que la notion du progrès va s’étendre au domain politique et social. Encore plus tard, avec Condorcet, on trouve le dernier réprésentant de l’élévation de l’idée de progrès au rang de la philosophie de l’histoire : pour lui, il n’est pas des limites au perfectionnement des facultés humaines, le perfectionnement de l’homme étant ainsi infini et les progrès de ce perfectionnement n’ont pas de terme que la durée de la nature. Conception plus radicale, on l’a vu, qui sera dominante au cours du XIXe siècle impulsée par l’industrialisation des pays comme l’Angleterre et l’Allemagne, elle se trouvera de plus en plus contesté au XXe siècle, notamment à partir des années 1970.
Effondrement de la croyance au progrès et entrée dans l’époque postprogressiste
Pierre-André Taguieff souligne d’une façon dramatique la fin de la croyance au Progrès :
Les espérances qui mobilisaient les masses à l’âge de la religion du Progrès se sont dissipées. Le progrès n’est plus une promesse donant un sens global à la marche de l’histoire, mais un ensemble de satisfactions ou de jouissances immédiates, soumis à la règle du « toujours plus ». Le progrès s’est effacé de l’horizont d’attente. Il se réduit à ses résultats, d’ordre strictement pratique. On appelle désormais progrès ce qui augmente sans tarder notre confort, notre bien-être. Le progrès est tenu en laisse par la technique et le commerce. Désintellectualisé, le progrès s’est aussi totalement déspiritualisé, il a perdu ce reste de religiosité qu’il tenait de ses lointaines origines. Le progrès, désormais, c’est maintenant. Les individus massifiés d’aujourd’hui s’en contentent. Quant aux autres, ils doivent chercher ailleurs du sens et de la transcendance. Ils sont souvent tentés de les faire venir d’ailleurs. Une fois de plus surgit la vieille illusion : Ex oriente lux. 2
C’est ainsi comme le philosophe français décrit l’effondrement de la croyance en l’idée du progrès, qui avait été forte au cours du xixe siècle et même dans les premières décennies du XXe. Mais comment caractériser l’époque du progrès triomphant, celle où le progrès était le cadre de référence des individus progressistes, soient-ils libéraux ou socialistes ? D’abord, c’est l’âge des métarécits de la Modernité. En effet, les grands récits autour de l’emancipation du genre humain, de la sortie des ténébres pour parvenir aux Lumières, la fin de l’exploitation de l’homme par l’homme, l’amélioration de la condition humaine grâce à la technique étaient des notions qui structuraient la pensée des individus, avec d’importance differénte selon les sensibilités de chaque camp : la foi dans l’amélioration matérielle par la voie du libre marché chez les libéraux, l’emancipation et la fin de la société de classes chez les marxistes, mais fondamentalement tous avaient des grands récits qui donnaient un sens à l’histoire et au futur de l’humanité. C’est nonobstant intéressant de constater que si l’apparition de la tradition marxiste au milieu du XIXe siècle prétend rompre avec les conceptions bourgeois et souligne le caractère inéluctable des lois de l’Histoire —succesion de formations économiques pour parvenir jusqu’à la société sans classes, outrement dite la société communiste— il ne s’agit pas d’une rupture avec l’idée de progrès ; tout au contraire, c’est bien connu que la tradition marxiste, de Marx lui même à Staline dans les années 40 a toujours souligné que c’est la bourgeoisie qui a laissé ses origines révolutionnaires et progressistes pour se tourner conservatrice —voire réactionnaire— et qu’il correspond désormais au prolétariat, le sujet historique par exellence de la gauche socialiste, de reprende la marche en avant et rendre le progrès inévitable. 3
Les métarécits que nous venons de mentionner ne se sont fondés sur l’air, tout au contraire : les Lumières européennes et en consequénce l’epoque progressiste reposent sur la croyance en un progrès linéaire, accumulatif, plein de verités absolues et une planification de l’ordre social. Bref, sur la rationalisation du monde par voie de la science et de la technique, produits en dernière forme de la raison de l’homme. 4 Il n’est pas nécessaire d’insister qu’en voulant sortir des mythes et de la superstition des âges sombres qui la précedaient, la Modernité a engendré le mythe peut-être le plus grand de tous. L’idée selon laquelle les individus peuvent maîtriser totalement la nature, l’histoire et leur destin par voie uniquement de la raison. Les consequences qui s’en dérivent sont évidentes, et le paroxysme de la raison éclairée est Auschwitz et le Goulag.
On ne saurait pas passer devant l’un des caractéristiques qui touchent l’aspect matériel de l’époque progressiste sans s’y détendre : la liaison entre croissance économique et progrès. Comme le dit Taguieff :
Depuis deux siècles, c’est-à-dire depuis la révolution industrielle du XVIIIe siècle, les Occidentaux, suivis des peuples occidentalisés, ont pris l’habitude de lier croissance et progrès, objets d’une seule et même foi en un avenir meilleur. Il s’ensuite que douter de la croissance revient à douter du progrès, ce qui met en crise la modernité. 5
Cette union de croissance et progrès allait de soi surtout au xixe siècle chez la bourgeoisie industrielle et progressiste dans les pays européens et dans leurs homologues dans les pays auparavant colonisés. 6
Postprogressisme : caractéristiques générales
Les trois traits qu’on a enumérés plus haut —grands récits, science et technique comme moyens pour sortir de l’obscurantisme et parvenir aux lumières et liaison de croissance économique et progrès— sont, nous paraît-il, les plus notables de l’époque progressiste qui s’est effondrée pour laisser sa place au postprogressisme. Quelles mutations se sont déroulées alors ? Que s’est effacé et que reste encore ? Quoi reste-t-il, enfin, de la croyance dans le Progrès ? Commençons par les grands récits. Les expériences traumatisantes du XXe siècle ont, à leur tour, sapé la foi dans le potentiel libérateur du socialisme, soit-il dans sa version totalitaire en Union Soviétique des années 30 ou dans le Cuba de Castro. Les tragédies du Goulag, les processus de Moscou dans les années 30, l’invasion en Checoslovaquie, les répressions à Berlin-Est en 1953, en Prague en 1968, en Polonie au début des annes 80, le XXe congrès du PCUS en 1956 sur le culte de la personnalité, enfin, toute la série des déceptions sur le communisme ont sans doute contribuée à effacer de l’horizont le potentiel révolutionaire et émancipateur du marxisme, ajouté à l’effondrement de l’Union Soviétique en 1989-1991 et la fin de la Guerre Froide. Il n’est pas ici le lieu pour une description minutieuse des horreurs du communisme, sinon pour rappeler simplement que l’échec des systèmes dites socialistes donna le coup de grâce au marxisme comme grande narrative d’emancipation de l’humanité.
Dans le domain réligieux le christianisme n’échappe pas à l’effondrement des grands récits. Ayant exercé auparavant une force d’attraction et une organisation presque totalitaire de la société —dans le sens étymologique de totalité de quelque chose—, il ne fournit plus une boussole aux individus pour s’orienter.
Si l’on croyait que la science et la technologie étaient des traditions objectives et universelles, on s’est trompé : dans l’âge postprogressiste elles ont été acussées d’être un produit de l’Occident blanc, impérialiste et hétéro-patriarcal. Il ne s’agit pas seulement d’une forme parmi d’autres de connaissance, qui se situerait en même niveau des épistemologies d’autres cultures, mais de la forme qui a déclenché une sorte d’epistemicide des savoirs autochtones, en particulier de ceux du Sud global. Ainsi la tradition scientifique des Lumières, avec ses prétentions d’universalité et de logique est provincialisé comme un savoir parmi d’autres, nonobstant qu’il soit jugé comme porteur en quelque sorte d’un pêché originel pour être la tradition épistemologique de l’Occident. 7
Enfin, le troisiéme trait marqueur de l’époque postprogressiste, le lien entre croissance économique et progrès se trouve désormais remis en cause. Si dans la tradition de la gauche socialiste la concentration du capital est considerée comme la forme d’exploitation économique par excellence, et l’exemple historique de l’alliance des grands entreprises allemandes avec le nazisme semble confirmer la fameuse thèse sur le fascisme de Dimitroff et donc assigner au grand capital un rôle historiquement abominable, la critique contre la croissance économique —souvent conçue comme indéfinie, malgré la finitude du monde matériel— vient d’un autre flanc peu traditionel : l’écologie.
Est-ce que l’époque postprogressiste se définit simplement comme l’inversion des valeurs cardinales et des structures générales que l’on vient d’enoncer ? Non, évidemment, car l’époque que nous vivons a vu l’apparition d’autres récits, d’autres types de mouvements, enfin d’un autre univers mental. Passons donc au cas de l’écologie. Pierre-André Taguieff distingue l’écologie, l’écologie politique et l’écologisme à l’âge de l’époque postprogressiste :
L’écologie est une science qui a pour objet la Terre comme habitat du vivant en général et de l’espèce humaine en particulier, et l’écologie politique répresente une forme légitime d’engagement s’inscrivant dans le champ concurrentiel des projets politiques tandis que l’écologisme est une idéologie ou une religion seculière dont les adeptes, convaincus d’incarner le Bien, prétendent imposer d’une façon autoritaire, par l’intimidation et la culpabilisation, une utopie se présentant comme la Solution. 8
Ainsi, comme le signale l’auteur, l’écologie a au début pour objet d’étude la planète dans ses rapports avec les êtres vivants, notamment avex les hommes, et les conditions qui rendent posisble la vie sur la Terre. Produit de l’écologie comme science est l’idée de l’Anthropocène, terme qui a vu le jour en 2000 par le scientifique néerlandais Paul Crutzen, et qui désigne, d’une façon générale, le fait que depuis les origins de la Révolution industrielle dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, l’homme est devenu l’acteur principal des transformations écologiques et non plus la nature elle même. Si l’écologie comme science étude les effets sur la planète du changement climatique, de l’urbanisation, de la déforestation, des émissions des gasses aux effets serre, de l’épuissement des ressources non rénovables, elle prend un nouveau status au moment où elle commence à souligner les liaisons des dégradations de la nature avec l’activité des humains. Ainsi, à nos yeux, en prennant en compte les effets de l’homme —et surtout de l’économie— sur l’environnmement depuis particulièrement les années 1950 —temps où commence la grande accélération des effets pervers sur la Terre— apparaît l’écologie politique.
Il ne s’agit pas uniquement des conceptualisations d’alternatives afin de rendre plus soutenable la survie de l’espèce humaine, mais de toute une remise en cause des sociétés occidentales, fondées depuis la Modernité sur la transformation matérielle de la nature, en bonne logique prométhéenne, et qui ne fait que s’accroître. Remise en cause de la consommation et de l’idée —plutôt dogme, nous parait-il— de toujours plus en principe, la critique s’étend rapidement aux nombreuses institutions de la société, et d’abord à l’économie : on ne peut pas vraiement surmonter la menace d’une catastrophe écologique qu’en changeant le mode de production. C’est là où commence à se dévoiler la rupture avec l’âge progressiste : chez elle, la foi dans le progrès qui emporterait le genre humain vers un avenir radieux et une technique qui transformerait matériellement les ressources naturelles allait de soi, lorsque dans l’écologie politique de l’âge postprogressiste cette volonté de transformation devient la cible des critiques radicales du progrès, et par conséquence tout le monde moderne est remis en cause. Étrange paradoxe pour un courant de pensée qu’on a l’habitude de classer à gauche, voire à l’extrême gauche, celle de critiquer radicalement le monde moderne et sa foi dans le progrès et au même temps vouloir conserver la nature ! C’est peut-être au moment où l’écologie politique cesse d’être un projet politique parmi d’autres et glisse vers des formes alarmistes, voire catastrophistes, qu’on la laisse pour pénétrer en corps entier dans l’écologisme, qui est à nos yeux, pour réprendre la phrase célèbre de Lénine, l’étape supérieure de l’écologie politique. C’est chez la vague écologiste où les vieils phantasmes du Bien et du Mal, de l’enfer et de la salvation, du péché original et de la rédémption sont rentrées pour de constituer une sorte de religion séculière. 9 Notion theorisée par le philosophe Eric Voegelin, Taguieff affirme :
Le philosophe antimoderne Eric Voegelin voyait dans les « religions séculières », baptisées par lui en 1938 « religions politiques », des formes modernes du savoir qui sauve, des nouvelles figures de la gnose, et analysait dans ce sens ce qu’il appelait les « mouvements gnostiques modernes ». C’est ainsi, par exemple, que l’idée de progrès se transforme en un dogme idéologique, le dogme fondamental d’une doctrine de délivrance, d’une nouvelle gnose. Le principe d’engendrement en est simple : dans la modernité comprise globalement comme un monde privé de transcendance, surgissent des « religions politiques intramondaines » ou nouvelles gnoses élévant un Realissimum, une entité collective traitée comme une Idole plus-que-réelle (Progrès, Humanité, Nation, Peuple, Classe, Race) qui, dans l’immanence de l’Histoire, joue le rôle de la transcendance perdue. 10
C’est ainsi que, à l’âge postprogressiste, où les signes réligieux traditionaux sont censés avoir disparu, en apparaîssent des nouveaux, cette fois au nom de la science, de la Terre, du Salut universel, enfin, une « gnosticisation » de l’écologie. Finalement, Taguieff caractérise la vague écologiste en soulignant son articulation avec une critique du capitalisme et du libéralisme, vieils thèmes de la gauche marxiste :
Depuis le début du XXIe siècle, dans le monde occidental, c’est la sacralisation écologiste de la Nature qui est la principale pourvoyeuse de transcendance. D’où l’apparition d’un nouveau conservatisme naturaliste, disons vitaliste ou biodiversitaire, qui ne s’assume pas en tant que conservatisme. Ses promoteurs et ses entrepreneurs idéologiques sont en effet le plus souvent situés à gauche ou à l’extrême gauche, ce qui les engage à s’imaginer en révolutionnaires plutôt qu’en conservateurs. Ils sont pourtant bien des conservateurs aux tendances autoritaires, économiquement anticapitalistes et politiquement antilibéraux. Mais ils ne sont plus humanistes, ils sont même résolumment anti-humanistes : ils ont remplacé l’anthropocentrisme progressiste par un cosmocentrisme animaliste. Ils incarnent un nouveau type de sectarisme et de fanatisme, postprogressiste. 11
Le retour de la décadence
L’entreée dans l’époque postprogresisste qu’ont vient d’esquisser plus haut ne passe pas sans effet, particulièrement dans les esprits sceptiques des nouvelles conditions. C’est ainsi que s’installe dans l’air du temps l’idée de la décadence, symptôme de l’inconformité suscitée par les changements d’aujourd’hui.
Catégorie généralement classé dans la pensée conservatrice, souvent ridiculisée par ses détracteurs, « la décadence n’est pas un concept scientifique, c’est une notion incertaine mais aux riches connotations ». 12 Il s’agit bel et bien de l’effet suscité chez une pensée susceptible à la disparition d’un ensemble d’idées, de valeurs, de traditions heritées, de formes de vie, de conceptions partagées par les individus. Cette disparition n’a pas lieu du coup, mais s’étend au cours du temps, des annéees, des décennies, voire des siècles, selon l’échelle selectionnée. Allant du slogan immédiat dans la sphère politique jusqu’à une forme d’interpréter l’histoire,
aujourd’hui, « le retour de la décadence » doit s’entendre en trois sens. La décadence revient tout d’abord comme un vieux refrain chanté dans l’espace idéologico-politique avec plus ou moins de virtuosité ; elle revient ensuite comme un diagnostic partant sur un ensemble de faits observables dans l’évolution des sociétés occidentales, voire dans celle de touts les sociétés existantes ; elle revient enfin comme une catégorie de l’interprétation historique, dont l’application, voire l’applicabilité fait légitimement l’objet de discussions interminables entre philosophes et historiens. La décadence ne se reduit pas à une notion ni à une simple thèse, elle se développe dans un récit, sous la forme d’un mythe susceptible d’infinies interprétations, et qui, plus profondement, se confond avec l’ensemble ouvert de ses interprétations et de leurs variantes, qu’on peut appréhender comme des mythèmes. 13
Ainsi comprise, la notion de décadence —comme celles du progrès, liberté, peuple, etc.— se trouve present à des niveaux diverses. Dans notre caractérisation du retour de la décadence, nous voudrions souligner les caractéristiques centrales qui la situent généralement à droite. L’historien Michel Winock, dans son article déjà cité, en compte neuf : la haine du présent, la nostalgie d’un âge d’or, l’éloge de l’immobilité, l’antiindividualisme, l’apologie des sociétés élitaires, la nostalgie du sacré, la peur de la dégradation génétique et l’effondrement démographique, la censure des mœurs et l’ainiintellectualisme. 14 Bien que dans la realité elles se trouvent à des degrés divers selon la circonstance, ce sont les deux premiers ceux que nous voulons souligner.
En effet, rejet de l’état de choses tel qu’il est à un moment donné, jugé corrompu, indigne, où régnent les problèmes sociaux —l’immigration incontrôlée, la dissolution familliale, la violence, la perte du sens communautaire— et les transformations dans les mentalités ne sont pas moindres —matérialisme rampant, consumérisme avide comme moyen de remplir le vide spirituel, déplacement de l’idée de nation en faveur de celle d’un globalisme nivelateur des cultures—, il va de pair avec une nostalgie pour un passé d’or, souvent idéalisé, et qui joue le rôle de contre-modèle pour le présent en décadence. Ce passé —ou plutôt cette image mythifiée du passé— peut se situer très lointain dans le temp —l’antiquité greco-romaine avant l’arrivé du christianisme—, ou plus proche de nous —les Trente Glorieuses—. C’est par rapport à un passé bon qui commença à se corrompre que la pensée conservatrice l’aperçoit comme une rupture:
plus à droite on se situe, plus grand est la conviction qu’une rupture historique décisive origina le haïssable présent et que la décadence croissante doit être confrontée avec... bon, avec quelque chose. 15
La décadence parmi nous
Les européens conaissent aujourd’hui une forme de remise en cause qui ne se limite à la question du savoir, de la tradition scientifique ou des idées de la Modernité : c’est une crise de l’idée même d’identité, en particulier celle de l’Europe. Cette crise de l’idée d’identité —qui conduit à une forme de « desidentité », selon Taguieff— se trouve notamment chez les élites intellectuelles. Ainsi,
Leur rêve est celui d’une Europe sans identité propre, peuplée d’humains sans qualités particulières, indéfinissables, in-définis. Cet universalisme abstrait qui se projette dans l’utopie d’une « Europe cosmopolitique » est une machine à déculturer, à éradiquer les mémoires collectives, à éliminer les différences culturelles. Ses adeptes finissent par ériger le « n’être rien » en idéal. Le type humain qui s’en raprocche le plus est le « sans papiers », le réfugié ou le migrant sans identité, celui qui a oblitéré ses origines. L’homme de nulle part. 16
Il s’agit, poursuit l’auteur, de se délivrer de l’heritage d’Athènes, Rome et Jérusalem, du christianisme, couper les liens avec les racines historiques et culturelles. Paradoxalement, de ce programme surgit le refus de reconnaître qu c’est en Europe où surguissèrent les libertés individuelles et la démocratie, la science et la technique, l’esprit critique, la laïcité, en somme, les grands axes du projet des Lumières, qui est peut-être la majeure contribution de l’Occident à l’histoire de l’humanité. Ainsi formulé c’est difficile de ne pas se souvenir des systèmes totalitaires du siècle précedent, notamment de leur volonté de constituer l’homme nouveau, débarrasé du monde d’auparavant, régénéré, purifié, sans rapports avec le passé. Peut-être les contre-révolutionnaires ont eu raison quand ils soulignaient la rupture radicale que représenta le monde moderne, rupture que l’on jugerait aujourd’hui totalitaire... La peur d’une disparition d’une mémoire collective n’est pas moindre :
La perspective terrifiante, c’est celle de l’interruption d’un long processus de transmission culturelle par lequel s’est formée la civilisation européenne. De cette rupture de transmission, l’échec scolaire n’est qu’un symptôme plus visible qu’un autre. Mais il touche au plus profond. Il souligne la disparition d’un héritage et d’une mémoire collective constituant le socle de l’identité de la France et plus largement des nations européennes. 17
Face à la décadence, quoi ?
Pierre-André Taguieff finit par ces lignes l’ouvrage que nous avons cité tout au long de notre article :
La reconnaissance du déclin de la France peut se transformer en une raison forte de remonter la pente, en
commençant par préserver ce qui reste après les effets ravageurs de la globalisation techno-marchande, et
dans un contexte où nous devons faire face à la double menace de l’americanisation et de l’islamisation.
Mais le souci de préserver ne suffit pas : il faut vouloir renaître, en prenant appui sur notre passé, et
oser désirer la grandeur de la nation, qui ne peut se réduire à l’imitation d’une grandeur passée. Si le flot
montant de la bêtise et du conformisme nous exaspère autant, c’est parce qu’il recouvre ou défigure cette
insaissisable francité que nous savons éprouver en nous et reconnaître dans des visages et des voix, des
souvenirs et des paysages, et dans ces voyages infinis au plus profond d’une culture artistique, littéraire
et philosophique qui nous a fait ce que nous sommes, dans la langue que nous parlons et qui parle en nous.
Quant à faire fructifier l’heritage, c’est une toute autre affaire. Il y fait du courage et de l’inventivité.
S’abandonner au fatalisme est une faiblesse. Se complaire dans les récriminations une pathologie. Une
renaissance est toujours possible.
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Citation longue, c’est vrai, mais que, outre sa beauté littéraire, peut nous fournir quelques notions pour penser la question de la décadence au Mexique. D’abord, bien sûr, nous n’avons pas eu cette « culture littéraire, artistique et philosophique » dont parle le philosophe français —en effet, nous les mexicaines n’avont pas eu Descartes, Voltaire, Rousseau, Diderot, Hugo, Jaurès, non plus Sartre et Camus, mais Sor Juana Inés de la Cruz, Ruiz de Alarcón et Octavio Paz appartiennent à notre patrimoine culturel—, ni sommes confrontés à la menace d’une islamisation généralisée comme dans l’Hexagone. En revanche, le spectre d’une américanisation de notre culture, d’une perte de souverainété face, autre fois, aux États-Unis, la nostalgie d’un Mexique d’avant, des années quatre-vingt, soixante-dix ou encore soixante avec sa vie plus simple et lente reviennent dans notre mémoire collective périodiquement.
Chacun et chacune y trouvera en quelque sorte sa vache sacrée : la gauche intellectuelle dénonçait déjà dans les anées quatre-vingt et quatre-vingt-dix la « dénationalisation de l’économie », la disjuntive entre « intégration aux États-Unis ou projet de nation » —des reflexes en quelque sorte du nationalisme révolutionnaire issu de la Révolution de 1910 et dont le PRI se réclamait jusqu’aux années 1980— ; les conservateurs aux sensibilités réligieuses trouvent les décennies antérieures où la population du pays était en plus de 90 % catholique et allait chaque dimanche à la messe ; ceux de sensibilité sexiste, plus âgés, se rappelent du bon vieux temps avant la présence qui a aujourd’hui le féminisme et les droits des minorités sexuelles, dans l’université et le travail jusqu’à la politique, en passant par l’entertainement —cette industrie culturelle formée au xxe siècle dont le pouvoir pour contribuer à l’hégémonie culturelle reste encore inapreçu— ; la jeunesse, face aux angoisses par l’instabilité et l’incertitude du monde du travail, la précarisation et les baisses révenus, tout ce qu’elle oppose à la sécurité et stabilité qu’on avait auparavant, dans les années quatre-vingt ou quatre-vingt-dix —une image idéalisé du passé, souvent fruit plus d’une transmission orale par leurs parents que d’une consultation académique des livres et articles sur les transformations du pays au xxe siècle... Enfin, tout un ensemble des formes de nostalgie, de perception du déclin ou décadence, de dissolution sociale qui nous font, parfois, vouloir revenir en arrière et en quelque sorte restaurer l’ordre perdu. Cela n’est pas possible dans sa totalité et ne serait dans quelques domains —pour les progressistes, particulièrement, il serait abominable de revertir les triomphes obtenus dans l’égalité des sexes, de la tolérance envers les minorités, en premier lieu les sexuelles, à l’accès croissant à l’éducation, etc.—
Il nous paraît que c’est dans ce point où les idées programmatiques proposées par Pierre-André Taguieff dans un autre article avec un titre saissisant peuvent nous aider. 19 D’abord il avance une distinction claire entre conservateurs et réactionnaires :
Au cœur de la mentalité ou du tempérament réactionnaire, il y a la nostalgie dans laquelle se mêlent le désir de restaurer un ordre passé et le désespoir suscité par le sentiment que cette restauration est impossible, donc que la décadence est inéluctable et finale. [...] Il est un adepte du « tour ou rien ». Le conservateur, quant à lui, sait qu’il n’y a pas de société parfaite et que nous, les Modernes, sommes voués à faire, avec les moyens du bord, le tri entre le bon et le mauvais de la modernité. [...] Ce goût des nuances et cette attitude prudentielle, qui n’excluent pas le sens du tragique, sont étrangers au réactionnaire, oscillant en permanence entre des accès de pessimisme radical et des visions apocalyptiques. 20
Nous voudrions souligner le fait que chaque génération, chaque individu profite de l’esprit du temps dans lequel il se trouve, en témoignant les ruptures radicales avec le passé, mais au même temps il est voué à ne pas pouvoir échapper à sa situation ultérieure, aux dogmes fondamentaux qui sont dans les racines de son époque, soient-ils l’omnipréscence du christianisme au Moyen Âge, la sortie des mythes dans les temps modernes ou, plus proche de nous, l’effacement de tout horizont transcendental en un sens escathologique de vie après la mort.
Cependant, s’il est des ruptures radicales dans l’histoire et dans la vie de chaque personne, il y a des continuités, des permanences d’idées, des mythes, des mentalités, malgré les efforts de ceux et celles qui se sont considérés comme révolutionnaires, dès Jacobins pendant la Révolution française aux féministes décoloniales d’aujourd’hui, pour faire tabula rasa du passé, dont les expériences totalitaires du XXe siècle sont les exemples les plus traumatisants.
Ce sont quelques des cettes permanences et transmissions des valeurs celles que nous voudrions conserver. Comme le note le philosophe français :
Le paradoxe du conservatisme culturel tient à ce qu’il est seléctif et non intégriste : il ne consiste pas à tout conserver en bloc. Il s’agit d’un conservatisme nécessairement partiel et partial, fondé sur des jugements de valeur permettant de faire des tris dans les héritages culturels à transmettre. 21
Rupture avec le mythe de la sortie des mythes, le plus grand de tous, rupture avec les intégrismes de hier et d’aujourd’hui, avec les dogmatismes, notamment ceux à gauche, rupture avec l’esprit de transformation et de soumission de la nature aux impératifs de l’homme, mais aussi reconnaissance et préservation des progrès dus à la science et la médecine, consérvation d’un héritage comme latinoaméricains, et plus exactement comme mexicains de mêtissage et de cinq siècles d’occidentalisation, sans jamais y parvenir complètement...
Face aux menaces d’une globalisation technomarchande sous l’ègide des États-Unis, d’une généralisation de l’usage des nouvelles technologies qui peuvent nous conduire à une soumission à une sorte de pensée massifiée, sans racines, dépérsonalisée, où l’individu ne peut pas penser en dehors de l’intellgence artificielle et les réseaux sociaux, et plus largement en dehors de la logique des écrans, face à la propagande omniprésente des dogmes de l’époque postprogressiste, visant à faire des individus sans pays, sans mémoire, sans histoire, sans religion, sans famille, sans une pensée articulée, il faut revenir en arrière, d’abord dans le domain de la pensée, afin de developper une pensée articulée, critique, sans dogmes et sans idées réçues.
Il faut préserver notre identité et notre conscience nationale, en transmettant aux nouveles générations l’heritage et la langue dont nous sommes fiers, et au même temps en effaçant tout ce qui soit cause de honte ou de tristesse. Récuperer la culture de l’imprimérie, de l’écriture, des livres qu’on lit au cours des mois, de la presse écrite, des journaux et revues intellectuels, du goût pour l’échange des idées sans la moinde empreinte de la logique technomarchande étouffante qui est en train de coloniser nos esprits et instaurer une nouvelle subjectivité. Enfin, pour reprendre l’expression employée par Taguieff à la fin de son ouvrage : une préservation est toujours possible.
- Cette section est amplement appuyée sur l’article « Progrès » du Dictionnaire européen des Lumières, sous la direction de Michel Delon, Paris, Presses Universitaires de France, 1997, pp. 905-909.
- Pierre-André Taguieff, Le retour de la décadence. Penser l’époque postprogressite, Paris, Presses Universitaires de France, 2022, p. 58.
- Taguieff, Le retour..., pp. 18-19, 38.
- Taguieff, Le retour..., p. 39.
- Taguieff, Le retour..., p. 24.
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Le cas du Mexique est illustratif pour notre propos : entre 1876 et 1911 le pays fut gouverné par un homme,
le général Porfirio Díaz —à l’excepition de 1880-1884, quand son ami Manuel González occupa la présidence—,
qui s’entoura après les années 1890 d’un groupe d’intellectuels, d’écrivains, qui occupaient au même temps
des postes dans les Ministères du gouvernement, et qui étaient connus sous le nom des « científicos ». La
tête du groupe était le ministre des Finances, José Yves Limantour, et parmi les plus importants on comptait
Justo Sierra, ministre d’Éducation, Pablo Macedo et Joaquín Casasús, entre autres. On leur donna ce surnom de
« científicos » à cause de sa foi presque aveugle —et qui aujourd’hui nous paraît infantile— dans le progrès
matériel et la modernisation du pays par la voie des entreprises privées, la technique et les investissements
des pays industriels, notamment l’Angleterre et la France. Dans le sillage du positivisme comtien de
l’époque, les « científicos » voulaient lancer le pays vers l’âge positive, qui devait s’appuyer sur la
science —notament les sciences naturelles—- pour parvenir enfin à un complet développement et ainsi réduire
la brèche entre les pays de l’Amérique Latine et les grandes nations civilisées. Voir François-Xavier Guerra,
México. Del Antiguo Régimen a la Revolución, Ciudad de México, Fondo de Cultura Económica, 1988,
Chapitre VIII: Las mutaciones culturales, pp. 376-443. Pour des portraits biographiques des principales
figures du groupe des « científicos », voir Diccionario Porrúa de Historia, Biografía y Geografía de
México, Ciudad de México, Editorial Porrúa, 1970-1971, 2 vol. Au Mexique, comme dans d’autres pays
latinoaméricains à la même époque, l’écart entre les croyances —il faudrait plutôt dire les convictions—
d’une élite qui raffole de l’idée de progrès par l’industrie et l’enseignement, d’un côté, et l’immense
majorité du pays, profondement traditionel, voire hostile aux notions du progrès, d’autre côté, est
éclatante. Ainsi le résume Julieta Campos pour le pays mentionné:
L’écart entre un Mexique forgé comme projet idéologique dans la phantasie d’une réduite élite, et un Mexique profond, plein de mémoire et d’outrages, est vaste. L’élite libérale hérite à l’élite « positiviste » des « científicos » porfiriens la conviction que le pays a sur le dos un poids énorme qui l’empêche l’entrée au Progrès. Un darwinisme sans pitié parvient à s’insinuer sans beaucoup d’hésitasion : seulement vont survivre, définitivement les plus aptes. La minutieuse accumulation de preuves de François-Xavier Guerra a essayé d’illustrer la continuité entre l’Ancien Régime et la Révolution, tout en suivant l’empreinte des indices entre la parentalité du modèle modernisateur des « vainqueurs » et le modèle libéral de Juárez déployé avec certaines variantes par le porfiriat. Il faut sauver des arguments de Meyer et Guerra quoi que paraît impossible de réfuter : l’insinuation d’une scission entre une réalité profonde et complice d’une société traditionelle, où prevalent les pueblos et communautés paysannes qui aspirent à se gouverner avec autonomie et un État dirigé par les valeurs « éclairées », libéraux ou « científicos », d’une élite modernisante et centralisatrice.Julieta Campos, « Las trampas del desarrollo », Nexos, avril 1992, p. 6. La traduction est notre.
Le conflit entre ce pays mayoritaire qui prétend conserver quelque chose qui vient d’auparavant, y compris le sentiment réligieux et l’affinité à la terre, et l’élite qui se propose de le conduire vers le Progrès en lui inculcant une étique des bénéfices et de la productivité va se manifester dans les décennies qui suivent à l’an 1910. Dessous la surface urbaine dévouée au culte laïque du Progrès, va continuer de fluir le torrent de l’autre Mexique, beaucoup plus nombreux et généralisé mais constraint à parler à voix basse pendant quatre sièces. - Taguieff, Le retour..., pp. 19, 67 et ss.
- Taguieff, Le retour..., p. 50. Ici le philosophe français cite Jean Baechler, Écologie ou écologisme ? Raison et pertinence des politiques environnementales, Paris, Hermann, 2020.
- Taguieff, Le retour..., pp. 57 et ss.
- Taguieff, Le retour..., p. 63.
- Taguieff, Le retour..., p. 66.
- Michel Winock, « L’éternelle décadence », in Nationalisme, antisémitisme et fascisme en France, Paris, Éditions du Seuil, 1990, pp. 103-111; p. 104.
- Taguieff, Le retour..., pp. 112-113.
- Winock, « L’éternelle décadence », art. cit.
- Mark Lilla, « La torre y la cloaca », Letras Libres, novembre 2024, p. 17.
- Taguieff, Le retour..., pp. 163-164.
- Taguieff, Le retour..., p. 139.
- Taguieff, Le retour..., pp. 244-245.
- Pierre-André Taguieff, « Contre le déclinisme, le conservatisme culturel », in Revue des Deux Mondes, février 2022, pp 41-49.
- Taguieff, « Contre le déclinisme... », pp. 42-43.
- Taguieff, « Contre le déclinisme... », p. 46.